Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland), sorti en 1951, est le 17e long-métrage d'animation et le 13e Classique d'animation des studios Disney. C'est l'adaptation de deux romans de Lewis Carroll : Les Aventures d'Alice au pays des merveilles (Alice's Adventures in Wonderland, 1865) et De l'autre côté du miroir (Through the Looking Glass, 1871).
Les studios Disney ont réalisé deux autres adaptations de l'œuvre de Carroll : les Alice Comedies (1923-1927), série de courts métrages mêlant animation et prise de vues réelles, et deux films en images de synthèse et prise de vues réelles, Alice au pays des merveilles (2010) et Alice de l'autre côté du miroir (2016).
Alice au pays des merveilles (1951) FRENCH 158
En juin 1932, Roy Oliver Disney, frère de Walt, s'intéresse aux droits d'adaptation d'Alice et apprend que l'œuvre est tombée dans le domaine public[18]. En 1933, Disney envisage de refaire Alice avec des actrices comme Mary Pickford ou Ginger Rogers[1],[14],[19],[20],[21] et acquiert dans cette optique les droits des illustrations de John Tenniel[13],[14],[19] (David Koenig date l'achat de l'année 1931[22], Neal Gabler donne lui l'année 1938 lors d'un voyage en Angleterre où Roy Disney aurait également négocié ceux de Peter Pan[18],[23]) mais le projet n'a pas de suite. Koenig explique cet arrêt par la sortie du Alice au pays des merveilles (1933) réalisé par Norman Z. McLeod pour la Paramount[22]. Robin Allan suggère que, d'un côté, Paramount espérait profiter ainsi du centenaire de la naissance de Carroll (en 1932) et de l'autre, comme Disney n'avait pas encore décidé du format de sa production, il n'aurait pas bloqué à temps les droits [d'adaptation] ainsi que le veut la pratique aux États-Unis (même pour les œuvres dans le domaine public)[15]. D'autres studios reprennent aussi le concept d'Alice, ainsi dans Betty in Blunderland (1934), c'est Betty Boop qui est confrontée au Pays des merveilles.
Robin Allan indique que d'autres projets sont développés simultanément, dont le Rip Van Winkle de Washington Irving[21], auteur dont Disney adapte plus tard la célèbre Légende de Sleepy Hollow dans Le Crapaud et le Maître d'école (1949). Selon Dick Huemer, Walt était également extrêmement intéressé par Le Hobbit, le roman de J. R. R. Tolkien, paru en 1937[22]. Le développement d'Alice ne reprend qu'après l'échec de ce projet en 1938. Disney dépose un dossier en ce sens auprès de la Motion Picture Association of America[1],[22]. Il évoque à la même époque la possibilité d'agrandir le studio d'Hyperion avec un plateau de tournage plus grand pour filmer les prises de vues de référence, servant de base aux animateurs pour créer les mouvements des personnages, de Alice au pays des merveilles et Peter Pan (1953)[26].
Un problème de licence a empêché la sortie d'une version Disney car Decca Records avait publié en 1949 un album chanté par Ginger Rogers des textes de Lewiss Carroll sur une musique de Frank Luther[63]. Quand Jimmy Johnson et Tutti Camarata lancèrent le label Disneyland Records en 1956, ils éditèrent des bandes originales mais pas pour Alice, sauf quelques chansons sur des compilations[63]. La première bande originale d'Alice au pays des merveilles date de 1957, après l'achat des droit à Decca, avec une particularité technique de n'avoir qu'une seule et unique piste sur chaque face[63].
Le film débute différemment de la plupart des longs métrages de Disney adaptant des contes de fées : il n'a pas de livre d'histoire qui s'ouvre[24]. Après une vue plongeante où Douglas Brode reconnaît le Londres victorien dans les grands édifices de la scène d'ouverture[71], derrière les arbres de ce qu'il assimile à Hyde Park[72], on découvre Alice et sa sœur qui referme un livre de contes[24]. Le paysage pastoral a été soigneusement représenté et ne comporte pas d'erreurs topologiques à l'inverse de La Mare aux grenouilles, dans Le Crapaud et le Maître d'école (1949)[68]. La suite du film offre une animation plus riche que Cendrillon[68]. Douglas Brode note un fait étrange dans les productions Disney des années 1950 et 1960. Plusieurs films débutent par un plan général de Londres suivi d'un mouvement de caméra plongeant : Alice au pays des merveilles, Peter Pan, Mary Poppins et Les 101 Dalmatiens.
Peu avant la sortie du film, une société de distribution cinématographique décide de diffuser aux États-Unis l'adaptation franco-britannique avec marionnettes d'Alice réalisée par Marc Maurette, Dallas Bower et Louis Bunin, Alice au pays des merveilles, sorti à Paris en 1949[13],[110],[111]. Disney, voulant protéger son film, saisit les tribunaux pour demander que la sortie du film franco-britannique soit repoussée de 18 mois au motif que la sortie de son propre film était prévue dès 1938[9],[13],[110]. Karl Cohen évoque à la même période un échange de courrier entre les studios et Joseph I. Breen, directeur de la Production Code Administration, dans lequel Breen évoque seulement sa sympathie envers Disney[112]. La justice américaine n'a pas accepté la demande de Disney[13], l'œuvre originale étant tombée dans le domaine public[9]. Le film de marionnettes sortit donc le même jour[110],[113] mais fut éclipsé par le film de Disney. Pour Grant, cet épisode judiciaire fait partie des taches dans l'histoire Disney[13].
Grant explique le regain d'intérêt pour le film dans les années 1970 par une convergence avec la culture psychédélique hippie[40]. Pour Brode, Alice au pays des merveilles est, avec la séquence des éléphants roses de Dumbo (1941), à classer dans les bases de la mouvance hippie[128]. En servant de prototype pour les expériences de drogue des années 1960[72] , ces deux œuvres constituent en quelque sorte un prélude, peut-être même la source d'inspiration, au groupe Merry Pranksters[128]. Brode note que certaines scènes du film ont eu des interprétations connotées comme la phrase On peut apprendre plein de choses des fleurs [129] ou la scène de la Chenille sur son champignon[130].
Alice au pays des merveilles est le second long métrage d'animation Disney à sortir en vidéo (mais seulement à la location) en octobre 1981, précédé par Dumbo en juin 1981[133]. Le film rejoint alors les autres productions Disney malgré sa longue absence des rééditions et ressorties. Pour Sébastien Roffat, Alice fait désormais partie des longs métrages d'animation du début des années 1950 avec lesquels Disney retrouve son public[134].
En avril 2007, Walt Disney Pictures demande au réalisateur Joe Roth et à la scénariste Linda Woolverton de développer un film en prise de vue réelle sur Alice[136]. En novembre 2007, Tim Burton signe avec Disney pour réaliser deux films avec la technologie Disney Digital 3-D dont la nouvelle adaptation d'Alice[137]. En 2010, le film Alice au pays des merveilles, réalisé par Tim Burton et mélangeant prises de vues réelles et images de synthèse sort en salle et se présente comme une suite au film en animation, l'action se passant alors qu'Alice est une jeune fille de 19 ans.
Pour Pinksy, le problème d'Alice est qu'il existe de trop nombreuses interprétations différentes du personnage et que son portrait est trop intellectuel[140]. Le film essaie trop d'être fidèle à l'origine en illustrant simplement une histoire classique au lieu de se l'approprier et de la transformer[140]. Jimmy Johnson donne Alice au pays des merveilles comme exemple d'un film d'animation sans succès ni en salle ni musical qu'il oppose à Peter Pan (1953) et La Belle et le Clochard (1955) ayant eu, tous les deux, du succès en salle mais sans titre musical d'envergure[62].
Claudia Mitchell et Jacqueline Reid-Walsh, dans la section sur l'impact de Disney sur les jeunes filles de la naissance à l'adolescence, évoquent Alice en ces termes[146] : Le sujet d'Alice traite de l'exploration d'un monde imaginaire plein de merveilles illogiques. Du point de vue de l'enfant, le monde qui l'entoure est magique et étrange, souvent extrêmement incompréhensible ; le sujet [de l'histoire] est donc une tentative d'identification avec cette confusion enfantine et un encouragement à découvrir la vie. De façon évidente, tout Alice traite de la rencontre de personnages étranges dans des lieux étranges. Mais ce thème est récurrent dans de nombreux classiques Disney : le voyage de Pinocchio dans le ventre de la baleine, le rêve des éléphants roses de Dumbo, Peter Pan au pays imaginaire [...] Ce voyage dans le monde de l'étrange offre de nouvelles perspectives à la vie. La plupart du temps, les héros Disney ne retrouvent pas le monde réel en admettant, tels Dorothy dans Le Magicien d'Oz, que rien ne vaut son foyer . Les protagonistes des classiques Disney se font une idée neuve de la vie à travers la magie de la fantaisie. De manière figurative, le pays des merveilles selon Walt Disney, c'est Disneyland. Douglas Brode rapproche la situation d'origine d'Alice à une forme de nostalgie avec le Londres victorien, contrepartie britannique de l'Amérique au tournant du XXe siècle cher à Walt Disney[72], comme l'atteste la zone Main Street, USA du parc Disneyland. Brode ajoute que le fait qu'Alice dépose une guirlande de fleurs sur la tête de son chat est plus motivé par une émotion romantique que par l'intellect néoclassique[72]. Pour Pinsky, Alice traite de l'éducation traditionnelle lassante basée sur les livres, qui propose une déviation de la réalité qui désoriente [l'enfant] [75]. Brode évoque un élément similaire en associant au passé l'image de la grande sœur d'Alice refermant un livre[72]. 2ff7e9595c
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